Conservateur général du patrimoine, amie de Claude Erignac

Claude Pétry

Ce témoignage est à la fois l’expression de souvenirs professionnels et de la pérennité d’une amitié qui est à l’image de celui qui en a été l’initiateur.

Quand on est conservateur du corps d’état et que l’on dirige un musée en région, le représentant de l’état le plus proche est le préfet. C’est la raison pour laquelle de 1989 à 1993, lorsque Claude Erignac était préfet de Meurthe et Moselle et que le musée des beaux-arts, dont j’avais la responsabilité, était l’objet d’un grand projet de rénovation et d’extension dans lequel l’Etat était un des principaux partenaires, j’ai eu à maintes reprises l’occasion de bénéficier

– de sa compétence et de son efficacité,
– de sa rigueur ,
– de son impressionnante capacité de travail,
– de sa constante objectivité,
– de son désintéressement,
– de son ouverture d’esprit.

Ses références étaient l’équité et l’intérêt supérieur de l’Etat. Jamais il ne semblait ébranlé par une quelconque turbulence et il poursuivait avec constance ce qui lui semblait être le bon et le droit chemin, s’attachant à l’essentiel, sans jamais perdre de vue la diversité et la richesse de ses interlocuteurs si modestes soient ils. Il possédait en outre un solide sens de l’humour, qui l’empêchait toujours de se prendre trop au sérieux. Si dans le métier de conservateur, les relations avec les préfets sont fréquentes, dans l’échelle des souvenirs il y a ceux que l’on oublie et ceux dont le souvenir demeure. Le préfet Claude Erignac fait partie de ceux que l’on n’oublie pas, à cause de sa stature à cause de son destin.

Mais ce destin lui-même aurait pu avec le temps s’estomper et devenir un accident de l’histoire, tragique certes, mais qui appartient au passé. Comment expliquer qu’après dix ans la présence du préfet Claude Erignac soit toujours aussi vive, comme en témoigne encore aujourd’hui l’attachement de ceux qui l’ont connu, concrétisé par cette rue qui porte son nom à Nancy, tandis que dans d’autres villes caserne ou école l’honorent. C’est à Nancy aussi qu’à l’annonce de son décès une foule impressionnante, où se mêlaient croyants et non croyants, a convergé vers la cathédrale pour dire d’une seule voix son incrédulité et son incompréhension devant cette tragédie révoltante, à laquelle nul ne pouvait adhérer. C’est dans plusieurs académies que les concours scolaires organisés par l’Association Claude Erignac, témoignent de cet écho toujours vibrant que les enseignants prennent à cœur de transmettre aux élèves.. Pour avoir assisté à des remises de prix, je peux témoigner de l’ardeur et de la fierté des enseignants qui pérennisent ainsi sa mémoire et insufflent à leurs élèves la valeur de cet exemple, l’importance du symbole qu’il est aujourd’hui devenu, et qui leur montre comment on peut aller au bout d’un engagement total au service de l’Etat. De cette façon peut être, de tels exemples servent, mais c’est bien cher payer.

On a voulu par sa mort porter atteinte à l’Etat qu’il représentait avec tant de justesse et de prestance, et l’on a par ce geste injuste et criminel, qui n’a servi à rien, arraché un homme à la vie et brisé une famille unie.