Édito

 

L’assassinat du préfet Claude Erignac fut un choc profond, durable, pour sa famille et pour ses amis. La blessure fut grave aussi pour la France et pour la République. C’est ce qui nous a conduit à créer l’association Claude Erignac pour rassembler, dans le souvenir du préfet assassiné le 6 février 1998, tous ceux qui souhaitent perpétuer sa mémoire et faire connaître son exemple.
Elle regroupe aujourd’hui, autour de Dominique Erignac et de ses enfants, des membres de la famille de Claude Erignac, des amis et d’anciens collaborateurs, des personnes qui veulent rappeler le caractère exemplaire d’une vie professionnelle consacrée au service de l’Etat.

Claude Erignac était né le 15 décembre 1937 à Mende, en Lozère. Son père avait connu une carrière préfectorale longue, active et classique. C’est pour ainsi dire tout naturellement qu’il se destina au service de l’État, dans ce corps qui sait si souvent résumer, à lui seul, les grandeurs, les servitudes et aussi les dangers de la haute fonction publique de l’État.
Membre du corps préfectoral, Claude Erignac le fut intensément, dans tous les postes qu’il occupa. D’une autorité naturelle, sans faiblesse mais avec beaucoup d’humanité, cet homme cultivé, au maintien très droit, portait, en quelque sorte en lui-même, les qualités d’un grand serviteur de l’État, auxquelles s’ajoutaient – rare privilège dans une société si souvent rigidifiée – un sens de l’humour et une distanciation sur les événements qui donnaient toute sa force à sa personnalité.
À une carrière préfectorale bien remplie s’ajoutaient une ouverture d’esprit et une volonté concrète de franchir les barrières des administrations et des corps de l’État. C’est ainsi que Claude Erignac, très tôt dans sa carrière, s’intéressa aux questions de l’Outre Mer et de la Coopération.
C’est cette même capacité à regarder ailleurs et à regarder autrement qui lui fit s’intéresser à l’enseignement, au cinéma, à la littérature, aux problèmes de société et peut-être, avant tout, au sport dont il fut, pour le vélo et pour le tennis, un fervent adepte.
Claude Erignac était au sens fort du terme un humaniste, tourné vers les autres, d’une attention permanente et aiguë aux problèmes de tous ceux qu’il rencontrait, d’une fidélité sans pareille pour adresser un geste, un mot de sympathie, un encouragement à celles et ceux qu’il savait dans la joie ou dans la difficulté.

En cette fin de siècle difficile et tourmentée où nos concitoyens attendaient, non seulement des responsables publics mais aussi de ceux qui servent l’État, à la fois plus de liberté et plus de protection, plus de responsabilités et moins de contraintes, plus de présence et moins d’intervention, le Préfet Erignac avait été désigné, pour ce qui devait être sa dernière affectation, comme préfet de Corse. D’une certaine manière, elle était l’accomplissement d’un engagement, d’une carrière, d’une vie.
Le Lundi 9 Février 1998 à Ajaccio, dans l’hommage solennel rendu à la mémoire de Claude Erignac, le Président de la République déclarait:
« À travers Claude Erignac, c’est l’autorité de l’État et l’intégrité de la France que certains ont voulu attaquer et mettre en cause. La folie meurtrière, la politique du pire, la dérive mafieuse, ont armé le bras de quelques-uns contre ce que représentait le Préfet Claude Erignac, c’est-à-dire l’État dont il était l’incarnation et le symbole. »

Dans les responsabilités lourdes et très diverses qui furent les siennes, le souci qui l’animait n’était pas de plaire – c’était tout sauf en courtisan – mais d’appliquer et de faire appliquer les valeurs républicaines, de renforcer l’intérêt collectif avec aussi le désir de prendre en compte les situations particulières, d’être attentif aux difficultés des uns et des autres, de constituer avec ses collaborateurs un formidable esprit d’équipe et de développer un humanisme qui était sa raison de vivre.

L’Association Claude Erignac souhaite qu’à travers son action soit conservée la mémoire de la personnalité très attachante du préfet, son engagement pour défendre les valeurs de la République, son exceptionnelle force de caractère au service de la France et de nos concitoyens.

C’est pour que jamais ne s’efface le souvenir d’un homme qui avait choisi librement et dignement de servir au premier rang, à découvert, au milieu des passions, que notre association poursuit son oeuvre.


Antoine Rufenacht

Président d’Honneur de l’Association Claude Erignac