À l’occasion de l’hommage solennel rendu à la mémoire de Claude Erignac, préfet de la région Corse, préfet de la Corse du Sud.

Jacques Chirac

Ajaccio, lundi 09 février 1998.

C’est l’émotion et la tristesse qui nous rassemblent aujourd’hui. Mais c’est aussi l’indignation et le refus.

Un homme est mort, vendredi soir, lâchement assassiné. Cet homme, le préfet Claude Erignac, nombreux ici sont ceux qui l’ont connu, qui l’ont aimé. Personnellement, je lui portais la plus grande estime.

Qui était-il ? D’abord un homme de cœur et de conviction. Ensuite, un homme de contact, attentif à tout et à tous. Enfin et surtout un serviteur de l’Etat, auquel il a consacré toute sa vie.

De l’Yonne à la Loire, du Gers aux Yvelines, puis en Corse, Claude Erignac incarnait une certaine idée du service public, fondé sur le dévouement, l’intégrité, la rigueur morale, la disponibilité et l’ouverture d’esprit. Ici en Corse, il laissera la marque grâce à l’action qu’il a conduite pour lutter contre la violence, soutenir l’économie, affirmer l’identité culturelle de l’ïle.

Cévenol, grand sportif, homme de culture et curieux de toutes les cultures, Claude Erignac était un exemple. Il aurait sans doute dit qu’il n’avait fait que son devoir dans les différents postes qu’il avait occupés avec maîtrise et talent, et c’est vrai. Mais faire son devoir en étant toujours estimé, apprécié, obéi, c’est, tout simplement, accomplir un parcours exemplaire. C’est pourquoi l’émotion est si forte et la tristesse si lourde.

Mais au-delà de cette peine légitime et de l’immense chagrin que vivent son épouse, ses enfants, ses amis, c’est un profond sentiment d’indignation que nous ressentons au fond de nos cœurs.

A travers Claude Erignac, c’est l’autorité de l’Etat et l’intégrité de la France que certains ont voulu attaquer et mettre en cause.

La folie meurtrière, la politique du pire, la dérive mafieuse, ont armé le bras de quelques-uns contre ce que représentait le préfet Claude Erignac, c’est-à-dire l’Etat dont il était l’incarnation et le symbole.

Nous ne le tolérerons pas. Et je l’affirme ici, en présence du Chef du Gouvernement, au nom de l’ensemble des pouvoirs publics et au nom de tous les Français, de Corse comme du continent. Non, nous ne le tolérerons pas.

Les assassins seront punis car ce sont les assassins d’un homme mais aussi les ennemis de la République.
C’est la France unanime, c’est la France debout, par delà les différences, par delà les clivages politiques, que nous représentons ici.

La France est une et indivisible. Certes, elle est faite de régions, de provinces, différentes les unes des autres, avec chacune ses habitants, ses coutumes, son histoire et parfois sa langue. C’est particulièrement vrai de la Corse, dont l’identité et la spécificité sont reconnues de tous.

La France est diverse et c’est notre richesse. Mais il n’est qu’une France. Il n’est qu’un territoire national, soumis, partout, à la même loi et au même droit. La France est fière de la Corse et les Corses sont fiers d’être Français. Contre cette volonté et cette évidence, une poignée de hors la loi, ennemis de leur propre terre, joue la carte de la violence extrême dans un jeu absurde.

Garant de l’unité nationale, je le dis solennellement ici, à Ajaccio : nous ne laisserons pas le crime et le non-droit s’installer en Corse. Nous ne laisserons pas attaquer l’Etat et ses serviteurs. Nous ne laisserons pas se défaire l’unité du pays.

La tragédie que nous vivons interpelle notre conscience. Elle appelle de chacun, en Corse comme sur le continent, le recueillement, la réflexion, mais aussi la mobilisation. Elle exige un sursaut collectif, au nom de la démocratie et de la République.

L’Etat assumera sans défaillance toutes ses responsabilités. Et je demande à nos concitoyens corses, et en particulier aux jeunes, de garder foi en l’avenir. Ensemble nous saurons construire notre destin commun.

Vive la République.
Vive la France.